Nous sommes désormais à quelques heures des 24 Heures du Mans, l‘excitation est en train de monter et les photographes quels qu‘ils soient sont en train de vérifier et préparer leur matériel dans le but de capturer le bon cliché au bon moment, le cliché qui procure l‘effet que j‘appelle waouh, the cliché, le cliché que vous garderez en mémoire toute votre vie et qui vous fera repenser à telle ou telle édition, ce moment d’une fraction de seconde où on déclenche et qui peut rester gravé à jamais dans nos mémoires.
Cependant face à des bolides qui montent à des vitesses folles, le photographe a parfois du mal à saisir ces derniers et les figer sur la carte mémoire. Cadrage, netteté, exposition ne sont pas toujours au rendez-vous. Nous allons voir dans cet article, quelques notions et bases techniques pour réussir ses clichés.
De prime abord, je tiens à rassurer les photographes de toutes sortes, ce n’est pas l’appareil photo qui vous garantit les meilleurs clichés. Souvent, j’entends ici et là que le fait d’avoir le dernier appareil photo et souvent le plus cher fait que le photographe ne sortira que des bons clichés. Eh bien non ! Certes celui-ci peut lui aider à obtenir certains clichés, mais ne fera pas tout. Quel que soit l’appareil photo que vous possédez, vous en obtiendrez toujours quelque chose.
Apprenez à vous servir de votre matériel et n’ayez pas honte parce que votre voisin de tribune a mieux que vous, car la différence, c’est vous qui la ferez avec votre expérience, un peu de technique, de la réflexion et de l’apprentissage. Oui, il faut apprendre et ce n’est pas si compliqué même si la photographie est un métier, elle est également un hobby où chacun peut se faire plaisir sans forcément y investir trop de temps ou d’argent.
Quand vous déclenchez, ne faites pas simplement qu’appuyer sur le bouton, allez chercher le cadrage et ce qui fait que vous « tripez » ce moment. Nous allons donc voir comment vous aider à améliorer votre technique photo.
D’abord, utilisez le format RAW, arrêtez le JPEG. Pour résumer, le format RAW est un format non destructeur qui vous permettra une meilleure retouche, une meilleure dynamique des couleurs. En JPEG, ce format est compressé donc vous perdez déjà en qualité à la prise de vues c’est à dire que vous perdez des informations numériques sur votre cliché.
Autre point intéressant sur le RAW, comme c’est un format non compressé du moins non destructeur, il vous permet de refaire des retouches à l’infini sans jamais abîmer le fichier original. Il m’arrive régulièrement de retoucher d’anciens clichés, car ma technique et ma sensibilité ont évoluées.
Autre point important à mes yeux est d’effectuer les meilleurs clichés possibles, je m’explique ; mes clichés doivent être bons à la prise de vues, un mauvais cliché ne deviendra jamais une œuvre d’art grâce à Photoshop.
Maintenant, intéressons nous de plus près à quelques notions techniques.
Un appareil photo quel qu‘il soit est un appareil qui capture la lumière suivant 3 paramètres, la vitesse, l’ouverture et la sensibilité. Ce sont ces 3 paramètres qui vont faire que la photo est sous ou sur ou bien exposée. Comment savoir si la photo est bien exposée ? Ne vous en faites pas pour cela, l‘appareil vous l‘indique obligatoirement par l’indicateur d’exposition mais vous allez me dire que face à une voiture qui passe à 200 km/h, vous n‘aurez pas le temps de regarder ce paramètre.
Suivant le mode d’exposition choisi, priorité vitesse S chez Nikon, Tv chez Canon, priorité ouverture A chez Nikon, Av chez Canon ou automatique P chez Nikon et Canon, l‘appareil va combiner ces paramètres pour que l‘exposition soit bonne. Justement, je vous conseille et recommande même de passer en priorité vitesse, vous choisissez la vitesse, l‘appareil adaptera l‘ouverture de votre objectif et la sensibilité ISO. Le mode Priorité ouverture n’est pas adapté pour des prises de vues d’action, la plupart du temps, l’appareil calera des vitesses bien trop basses et la photo sera floue.
Pour résumer :
- Passez en mode Priorité Vitesse S chez Nikon, Tv chez Canon
- Réglez votre sensibilité ISO en automatique avec un maximum à ne pas dépasser pour eviter que vos photos aient du grain ou ce qu’on appelle le bruit numérique
J’exécute essentiellement mes clichés en mode priorité vitesse ou Manuel. À savoir qu’aux 24 Heures du Mans, les voitures ont les phares allumés en plein jour et que le risque est que vos clichés soient sombres, ceci est du à la mesure de l’exposition de votre appareil (mesure matricielle, pondérée centrale ou spot).
Bien évidemment, il est préférable de passer en mesure matricielle. Je vous conseille également de passer en mode Manuel si vous vous sentez capable de gérer indépendamment la vitesse, l‘ouverture et la sensibilité et d’utiliser la sensibilité ISO Auto qui compensera automatiquement si votre couple vitesse ouverture ne vous donne pas la bonne exposition.
Parfois, vu que les phares des voitures sont allumés, vos clichés peuvent paraitrent sombres, mais ne vous inquiétez pas, il est aisé de récupérer l’exposition en format RAW.
Si vous souhaitez plus d’explications concernant le triangle infernal que sont la vitesse, l’ouverture et la sensibilité, vous trouverez plein de tûtos sur le web.
Concernant la mesure matricielle, pondérée centrale ou spot, réglez votre appareil sur une mesure matricielle, c’est à dire que l’exposition sera équilibrée sur l’ensemble de la photo. Sur certains appareils (voir photo ci-dessous), le reglage de la mesure se fait par un bouton et sur d’autres appareils, vous sélectionnez votre mesure dans les menus de celui-ci.
Concernant l’autofocus, préférez un autofocus en continu (AF-C chez Nikon, AF Servo chez Canon) si votre autofocus peut suivre ou suivant votre positionnement autour de la piste et choisissez, solution que j’utilise moi-même, un nombre de collimateurs moindre et une zone AF élargie et positionnez votre collimateur à l’endroit où vous souhaitez faire votre mise au point. Si j’utilise mon zoom 50-500, je vais passer en mode 1 seul collimateur pour gagner en vitesse de mise au point. Cela va dépendre également de la puissance de l’appareil et de l‘objectif, vous gagnerez plus ou moins en vitesse de mise au point. Certains appareils haut de gamme ont un processeur dédié uniquement à la mise au point.
Pour résumer :
- Passez en mesure matricielle
- Réglez votre autofocus sur un seul collimateur soit en AF point selectif ou en AF zone dynamique 9 ou 25 points (chez Nikon) suivant la gamme de votre appareil et calez votre collimateur au centre de la photo et veillez qu’il soit en continu c’est à dire qu’il continue à faire la mise au point tant que vous n’avez pas déclenché
Comme on peut le voir sur cette capture d’écran, j’ai calé mon collimateur au centre de la photo. J’ai déclenché en Mode S soit Priorité à la Vitesse, l’ouverture s’est faite à F/5.3. La sensibilité réglée en automatique s’est calée à 1100ISO.
Autre point, je règle également mon appareil pour qu’il déclenche uniquement quand la mise au point est faite, cela m’évite des dizaines de clichés flous.
Concernant les zooms, il est préférable si possible de choisir un zoom avec une stabilisation intégrée qui peut vous faire gagner jusqu’à 4 vitesses et cela ne peut être négligeable suivant les conditions lumineuses et dans l’idée de réaliser de beaux filés ! D’où par exemple, le cliché ci dessus qui a été réalisé avec un zoom 50-500 à 1/125s, les photos nettes sont rares si nous n’avons pas de stabilisation intégrée à moins d’utiliser, autre possibilité, un monopod.
Intéressons plus précisément au cadrage, réfléchissez à ce que vous voulez capturer, le pilote ou la voiture, un détail de la voiture ou autres, réfléchissez et visualisez vos clichés ! Trouvez le bon endroit pour prendre vos photos, repérez le tracé du circuit et prévoyez vos prises de vues par rapport à la position du soleil, vous pouvez utiliser par exemple, l’application Photopills pour prévoir la position du soleil en fonction des endroits que vous aurez sélectionnés pour vos prises de vues.
C’est un des points le plus important à considérer. Que voulez-vous voir sur vos photos ? Vous souhaitez des ambiances générales de course, des voitures en pleine action à un point de freinage ou des cadrages plus serrés sur le pilote ? À vous de déterminer ce que vous voulez attraper en photo. Pour ma part, mon trip est de cadrer serré à 300 ou 400 mm, voir 500mm sur le pilote lancé à 200 km/h au bout du Tertre Rouge à l’image de la photo un peu plus loin dans l’article. Mais pas seulement, les photos de nuit pendant les 24 heures du Mans sont extraordinaires à faire même si 1 sur 10 ou 20 est exploitable. Une fois que votre programme photo est prêt, occupez-vous de vos pieds ! Oui, oui vous avez bien lu ! Il est important d’être bien dans ses chaussures ! Prenez le circuit des 24 Heures du Mans (13.626km pour rappel), il y a plein d’endroits intéressants pour shooter d’où la nécessité d’avoir de bonnes chaussures bien confortables.
Comme on peut le voir sur cette capture d’écran, j’ai calé mon collimateur au centre de la photo. J’ai déclenché en Mode S soit Priorité à la Vitesse, l’ouverture s’est faite à F/5.3. La sensibilité réglée en automatique s’est calée à 100ISO.
Vous êtes en place, la course a démarré, on va commencer à shooter ! Suivant le poids de votre matériel (boîtier+téléobjectif), je vous conseille fortement l’achat d’un monopode couplé à une rotule mono axe qui va vous permettre d’une part de gagner en agilité et surtout en vitesse de déclenchement pour aller chercher le « filé » (descendre sur des vitesses plus lentes pour obtenir un effet de mouvement du sujet principal en l’occurrence la voiture) et d’autre part en fatigue, car la majorité des zooms à grandes focales pèsent assez lourds. Passez en mode vitesse et démarrez sur une vitesse à 1/500s, vous serez sûr de la netteté de vos photos et vous aurez déjà un effet de vitesse. Il ne sert à rien de monter en vitesse à 1/4000s, vous n’aurez qu’un cliché certainement net, mais sans aucun effet de vitesse avec les roues fixes…
Positionnez-vous face à la piste pour que votre corps puisse pivoter dans le sens de la course. Anticipez la trajectoire de la voiture, suivez cette dernière derrière le viseur et anticipez votre déclenchement. Calez votre autofocus sur la voiture à plusieurs dizaines de mètres avant l’endroit où vous souhaitez déclencher, pour permettre à celui-ci de se caler à la bonne mise au point, ceci dans le cas où vous êtes prêts de la piste. D’ailleurs il ne faut pas confondre flou artistique et mise au point qui ne s’est pas faite correctement… Au sujet de la rafale, à vous de trouver le bon compromis, je suis partisan d’un bon cliché plutôt qu’une dizaine de mauvais clichés, ceci dit, la rafale peut vous aider à aller capturer le bon cadrage. Faites travailler votre œil, allez chercher votre cliché, ne laissez pas l’appareil faire votre boulot à votre place ! Il vous faudra de l’entraînement, c’est certain, je me souviens encore du mon tout premier grand prix de F1 où je fus incapable de sortir un bon cliché parce qu’ils allaient trop vite, aucun cliché n’était correctement cadré… Puis descendez progressivement en vitesse pour aller chercher le filé. Faites attention tout de même, car un cliché paraissant net sur l’écran de votre appareil ne l’est pas forcément sur l’écran de votre ordinateur.
Vous vous demandez comment faire à travers le grillage, celui-ci n’est pas un problème avec une grande focale et/ou une vitesse lente ! Approchez-vous du grillage et zoomez, celui-ci devient quasiment invisible même si vous suivez le mouvement de la voiture. Mais attention, plus vous montez en focale et descendez en vitesse, plus vous risquez un flou de bouger même si la stabilisation (vérifiez si votre objectif est stabilisé ) vous aidera à gagner 3 à 4 vitesses en règle générale. Le cliché ci dessus a été pris au 50mm ouverture 1.4 avec une vitesse de 1/50s et une sensibilité de 720ISO. C’est surtout dans ce cas précis que la vitesse basse a permis “d’effacer” le grillage même si on le devine légèrement.
Le cliché ci dessus a été pris à 500mm ouverture 6.3 avec une vitesse de 1/200s et une sensibilité de 640ISO à travers le grillage du côté du Tertre Rouge. A fond de zoom, celui ci n’est plus un réel problème.
À savoir qu’il existe une règle concernant la focale ou plus précisément l’inverse de la focale qui indique que le temps de pose minimal pour éviter le flou de bouger doit être inversement proportionnel à la longueur focale de l’objectif. Prenons par exemple un téléobjectif à 500mm, ce qui veut dire que vous ne devriez pas descendre en dessous de 1/500s à cette focale pour éviter le flou de bouger. Cependant les règles sont faites pour être transgressées, d’autant plus si votre objectif est stabilisé.
Quant au choix du téléobjectif, lisez les tests parus dans la presse ou sur internet pour vous faire une idée, vous avez le choix ; Nikon 200-500, le Tamron 150-600 G2 et les Sigma 150-600 Contemporain et Sport ou le Sigma 60-600 entre autres.
Prenez également en compte que la taille de votre capteur sur votre reflex a une incidence sur votre focale. En effet si vous êtes en APS-C, il faut prendre en compte le coefficient multiplicateur qui est de 1,5 chez Nikon, 1,6 chez Canon. Par exemple, un 200-500mm Nikon sera équivalent à un 300-750mm monté sur un APS-C.
N’oubliez pas bien sûr, sur une course d’endurance, d’emporter plusieurs batteries et une carte mémoire de secours au cas où….
De la réflexion, de l’humilité, un oeil, de l’entraînement, de l’expérimentation, un peu de technique vous aideront à faire d’excellents clichés de pilotes et voitures lors de passionnantes courses. D’ailleurs je vous encourage si possible à ne pas recadrer en post traitement vos photos, vous perdriez en qualité de photos et obligez vous à aller chercher le bon cadrage à la prise de vues, vous n’en serez que plus fier du résultat obtenu, je me souviens encore du moment où j’ai déclenché et capturé le regard de certains pilotes, fixant la bonne trajectoire…
Il est intéressant également de regarder ce que d’autres photographes font, je vous conseille par exemple de regarder sur Flickr, vous trouverez plein de clichés d’autres passionnés et surtout de regarder les exifs des photos, c’est une bonne source d’inspiration, de compréhension et de réflexion pour vos prochains clichés.
Une fois vos clichés capturés, il va falloir leur donner une petite touche finale pour pouvoir les publier, je vois trop de clichés sur le net publiés en brut sortis de la carte mémoire sans aucune retouche et c‘est bien dommage. Il existe de petites astuces pour donner le petit plus à vos clichés mais ça, nous le verrons dans un prochain article après les 24 Heures du Mans !
On se voit trés bientôt au bord de la piste !